Les
3 Porsche 924 GTP engagées aux 24 Heures du Mans 1980 sont
les premières ébauches de ce que deviendront l’année
suivante les fameuses GTR. C’est la première tentative
en Europe sur circuit avec la «petite» Porsche, et bien
que n’ayant fait qu’une courte apparition, elles sont
à la base de toutes les 924 et 944 de course des années
80, du moins dans l’esprit.
Intéressons-nous donc à ces Porsche «939»…
Toujours
dans un souci de promotion de ses Porsche à Moteur Avant,
l’Usine demanda en octobre 1979 à Norbert Singer et
Eberhard Braun de développer quatre Porsche 924 dérivées
des Carrera GT de route (type 937) qui étaient en production
à 406 exemplaires pour l’homologation en compétition
en Groupe 4, en vue d’un engagement (annoncé en décembre
1979) aux célèbres et médiatiques 24 Heures
du Mans. Etant donné que le quota de production nécessaire
pour l'acceptation n’était pas atteint lors de l’inscription
au Mans, le pouvoir sportif plaça les 939 en catégorie
GTP (Grand Tourisme Prototype, moins de 3000cc) avec les Rondeau
et autres WM, pensant qu’elles n’auraient aucune chance.
La première servirait de mulet de développement, tandis
que les 3 autres seraient confiées à 3 équipes
de pilotes représentant chacune un pays: Angleterre, Etats-Unis,
et bien sûr Allemagne. En fait, cette idée de teams
«nationaux» provient du chroniqueur de presse anglais
Mike Cotton, idée que Peter Schutz trouva tout à fait
dans le ton du marketing de l’époque. La déco
fut crée par Arnold «Ginger» Ostle, et il faut
remarquer qu’elles n’ont que celle-ci et pas de vrai
sponsor principal!
Elles possédaient un
1984cc turbocompressé délivrant 320cv à 7000
tours, monté rigide sur le châssis. Les bielles sont
en titane, le vilebrequin et les pistons sont forgés et donnent
un taux de compression de 6.8:1. L’injection est une Kugelfisher
mécanique, avec collecteur d’admission et papillon
des gaz unique spécifiques. L’échangeur, monstrueux,
est logé derrière l’énorme prise d’air
de la face avant et est soutenu par 2 barres transversales en alu
boulonnées aux longerons. Le turbo KKK K27 soufflant à
18.5 PSI et la Wastegate sont déplacés sur la gauche
du moteur, comme sur les 944 Turbo. Toutes les durits sont bien
sûr de type aviation, et la lubrification est à carter
sec avec pompe externe. L’allumage électronique Siemens
est également spécifique.
Une impressionnante barre anti-rapprochement en X sur laquelle figure
le numéro de châssis, prenant appui sur les cloches
d’amortisseurs et sur la cloison pare-feu parachève
le compartiment moteur. A noter que le réservoir de lave-glace
d’origine est conservé!
La
rigidité de la voiture est la plus grande jamais mesurée
par Porsche à l’époque. L’arceau en aluminium
fut testé pendant 2 jours en Novembre 1979 sur un nouveau
banc spécifique, qui vibre et bouge électro-hydrauliquement
pour détecter les failles éventuelles. Grâce
à cela, la rigidité fut doublée! L’élargissement
de l’auto est spectaculaire: bien que la caisse provienne
de la série, les ailes avant ne font qu’un avec la
proue, sur laquelle se trouvent 2 écopes se chargeant de
refroidir les freins avant, tandis que les ailes arrière
sont rapportées et permettent l’évacuation de
l’air chaud en provenance des freins. L’aérodynamique
est soignée dans les souffleries de VW avec une Cx de 0.35,
puisque aucune prise d’air ne vient perturber la ligne, mis
à part celle du capot. L’aileron en fibre, bien que
standard sur le prototype, est encore plus grand et profond que
celui de la Carrera GT sur les versions de course. Les portes sont
en aluminium, et le capot ainsi que les ailes sont en polyester.
Les vitres latérales et le hayon sont en plexiglas, et le
pare-brise est plus fin. L’extincteur automatique pèse
7,5kg. Des vérins à air comprimé (2 tout à
l’arrière, 2 juste derrière les roues avant,
dans les ailes), s’occupent de lever l’auto. Le poids
est contenu à 940kg tous pleins faits, ce qui, compte tenu
du réservoir de 120 litres et des équipements course,
est honorable.
Les
jantes aluminium BBS «Lufterflugel» de 16’’
en 11’’ à l’avant et 12’’ de
large à l’arrière avec pneus Slick Dunlop cachent
des freins à écrou central en acier dérivés
de la 917 (repris de la 935, étriers à 4 pistons en
aluminium, sans assistance). Les amortisseurs Bilstein sont combinés
avec des ressorts de suspensions en titane à l’avant
et à l’arrière, et des bras tirés au
lieu des barres de torsion.
La boîte de vitesse à 5 rapports avec un triple choix
de démultiplication possède un autobloquant à
80%, et entraînent des cardans en titane.
A
noter que la N°4 embarquait un système de contrôle
de la pression des pneus depuis l’habitacle.
Ces
voitures seront ensuite reconverties (la N°4 fut envoyée
chez Holbert) en IMSA GTO, en 924GTR Gr4 et SCCA Trans-Am en 1981,
année qui verra la naissance des GTS et GTR de piste et de
rallye, ainsi que la 924 «944» GTP avec sa fameuse décoration
Boss, équipée d’un 2,5l turbo 16 soupapes (mécanique
testée au Paul Ricard en mars 1981 sur une ancienne 924GTP!),
mais ceci est une autre histoire… A suivre?
Caractéristiques
techniques :
- 924 GTP "Le Mans" type 939
- Année: 1980
- Châssis: 924 001 à 004, 1 prototype, 3 de course
- Moteur type M31/70
- Boîte type 937/50
- Alésage/course: 86.5/84.4mm, pour une cylindrée
de 1984cc
- Puissance: 320cv à 7000 tours/min (GTR: 375cv à
6400 tours/min)
- Couple: 382Nm à 4500 tours/min (GTR: 405Nm à 4600
tours/min)
- Taux de compression: 6,8:1 (GTR: 7,1:1)
- Longueur: 4200mm
- Largeur: 1850mm
- Hauteur: 1200mm
- Empattement: 2400mm
- Poids: 940kg officiellement
- 0
à 100km/h: 4,7sec
- Vitesse de pointe: 290km/h
La
course :
Voir
la couverture du
programme
Voir
la liste des engagés
Toutes
3 qualifiées de justesse et après un départ
sous une pluie battante, la 924 de Barth et Schurti, partie 46ème,
fait son apparition dans le Top10 vers 20 heures. Après 23
heures, la N°4 plonge de la 8ème à la 16ème
place: elle a bien failli rester sur le carreau lorsqu’elle
heurta un lapin dans les Hunaudières à près
de 290km/h, explosant son radiateur et perdant 1h30. La N°3
monte à la 9ème place pendant la nuit. Au matin, elles
pointent à la 6ème, 7ème et 8ème place.
Tony Dron, au volant de la N°2, eu bien de la chance également,
lorsqu’il perdit tout l’avant de la voiture à
Mulsanne, à cause des turbulences causées par une
935!
Les 5 dernières heures, les N°2 et 3, pourtant les mieux
placées, furent handicapées par un mélange
d’essence trop pauvre, entraînant la lente agonie du
moteur (soupapes d’échappement brûlées).
L’injecteur du cylindre défectueux fut débranché,
permettant à l’auto de finir sur 3 cylindres. Barth,
interrogé à ce sujet, précisa que lui et son
équipier avaient toujours respecté la consigne de
lever le pied par 3 fois dans les Hunaudières, afin de lubrifier
le haut moteur, ce qui sauva peut-être leur course! Mais apparemment,
l’équipe s’était rendue compte du problème
sur les 2 autres autos, et ajusta la richesse en conséquence.
Il fut plus tard établi que le problème de richesse
était là depuis la conception de l’auto (pompe
à essence trop faible), et n’était pas un fait
de course. Un autre problème était que ces autos souffraient
de mauvaise combustion, laissant de l’essence imbrûlée
dans les chambres. Aggravant ce phénomène en augmentant
la richesse, l’essence arrivait dans l’huile à
travers les segments, et dégradait la viscosité de
l’huile. Le team fut donc obligé de pomper de l’huile
hors du carter sec, et de la remplacer par de la neuve à
chaque arrêt!
Les 924 étaient certes moins rapides que les autres GTP,
mais elles étaient moins gourmandes en carburant, ce qui
leur permit de passer moins de temps aux stands. A l’arrivée,
après 8500 changements de rapport (!), sur 24 Porsche au
départ, seules 10 ont franchi la ligne mais 3 d’entre
elles sont les 924, à la 6ème, 12ème et 13ème
place.
Photos
:
Châssis
N°001, le prototype de développement testé
depuis février 1980, entre autres au Paul Ricard par Jacky
Ickx et Derek Bell. Un test d’endurance de 30 heures eut lieu
au même endroit en avril avec Derek Bell, Andy Rouse, Tony
Dron et Gunther Steckkonig (pilote d’essai de l’Usine),
avec comme seul soucis un petit problème de transmission.
La peinture porte les traces d’une finition hâtive.
(cliquez sur les photos):
(©
des auteurs - Attention, les dernières photos ne sont disponibles
qu'en petit... Désolé !)
Les
3 voitures engagées sous le nom Porsche System, dirigées
par l’ingénieur Norbert Singer :
(cliquez
sur les photos):
(©
des auteurs) - les kits sont des Spark au 1/43eme
Châssis
N°002.
N°2, Angleterre, pilotée par Andy Rouse
(GB) et Tony Dron (GB), deux pilotes du British Touring Car Championship.
Remplaçants pressentis mais qui n’ont pas conduit:
Eberhard Braun (D), Derek Bell (GB).
Meilleur tour en 4:16,500. Ils finirent 12ème au général
et 5ème des GTP à 28 tours du vainqueur, à
176,405km/h de moyenne après avoir parcouru 4233,734km, soit
310 tours.
(cliquez sur les photos):
(©
des auteurs - Attention, les dernières photos ne sont disponibles
qu'en petit... Désolé !)
Châssis
N°003.
N°3, USA, pilotée par Derek Bell (GB,
sa première chez Porsche!) et Al Holbert (USA). Remplaçants
pressentis mais qui n’ont pas conduit: Eberhard Braun (D),
Peter Gregg (USA, accidenté de la route en France).
Meilleur tour en 4:10,800. Ce fut leur début ensemble comme
équipe, puisqu’ils participèrent tous les 2
ultérieurement à plusieurs courses comme Le Mans,
Daytona, Sebring, etc... Ils finirent 13ème au général
et 6ème des GTP à 33 tours du vainqueur, à
173,365km/h de moyenne après avoir parcouru 4160,765km, soit
305 tours.
(cliquez sur les photos):
(©
des auteurs)
Châssis
N°004.
N°4, Allemagne, pilotée par Jürgen
Barth (D) et Manfred Schurti (FL). Remplaçants pressentis
mais qui n’ont pas conduit: Eberhard Braun (D), Günter
Steckkönig (D).
Meilleur tour en 4:17,100. Ils finirent à une admirable 6ème
place au général et 3ème des GTP à 22
tours du vainqueur, à 179,610km/h de moyenne après
avoir parcouru 4310,662km, soit 316 tours!
(cliquez sur les photos):
(©
des auteurs - Attention, les dernières photos ne sont disponibles
qu'en petit... Désolé !)
Bonus
;-)
(©internet
- Attention, ces photos ne sont disponibles qu'en petit... Désolé
!)
NB:
Ces photos proviennent de l'excellent site www.924.org,
du livre "Porsche 924" de Brian Long, du livre "Porsche
924, 944 & 968" de Michael Cotton, du superbe livre "Excellence
was expected" de Karl Ludvigsen, d'internet ou de mes archives,
mais sont de qualité très diverses... Elles restent
la propriété des auteurs (merci à eux!), et
désolé de ne parfois pas pouvoir vous les présenter
en plus grand!
Si vous possédez des informations ou d'autres photos, merci
de m'envoyer un mail!